Par Camille Loty Malebranche
De l'État vulgarophile
La vulgarophilie est l'art macabre d'encanaillement du peuple par l'État. Art sordide d'un État morbide qui tend, à coups de perfidies extrêmes, à faire de toute la société une collectivité vulgaire, une immense foule manipulée à travers toutes espèces de perversions réifiantes. Là où l'ochlocratie est le pouvoir des foules imposant leur diktat sans aucune vision politique viable ni aucun but révolutionnaire à la société, la vulgarophilie, elle, réduit le peuple votant en moins que rien agressif, cohue sauvage, horde de forcenés électeurs qui vote des populistes et fascistes grossiers sachant mobiliser et manipuler l'électorat par des slogans démagogiques, vides et vulgaires mais flatteurs des bas instincts de la canaille votante.
L’une des plus maléfiques réussites des establishments manipulateurs qui mènent idéologiquement le monde, c’est de réduire le plethos (la multitude) des peuples en foules médiatico-idéologiques et de niveler au plus vil la perception conditionnée que les majorités reçoivent de la factualité des choses du social que sont la politique, l’économie, le culturel… Tous ces paramètres de la vie sociale du civilisé sont dénaturés et produits en credo vulgairement identitaires du grand nombre. Ériger un populisme de parti au lieu de créer un vrai débat politique interrogateur des choses systémiques; promouvoir le kitsch pour bloquer la vraie production intellectuelle; ostraciser et marginaliser la discursivité tout en amplifiant le radotage médiatique attaquant les accessoires du mal-être collectif plutôt que les causes structurelles du mal, voilà la méthode oligarchique pour rendre foule et vulgaire le peuple.
Le peuple au sein de l’État vulgarophile est une collection de foules à toutes fins utiles: foules électoralistes, foules consommatrices, foules culturalistes, foules nationalistes… Les deux dernières réfèrent respectivement aux instincts de mode vis-à-vis de la production pseudoculturelle pour le défoulement collectif et aux appels identitaires violents des États interpellant le chauvinisme égoïste des individus qui se voient assignés une appartenance ostraciste dit nationalisme ou identité nationale…
Déposséder le peuple de toute rationalité, lui faire des promesses électorales mirifiques et l’utiliser comme ramassis de réflexes électoralistes pour le vote et la légitimation des monstruosités oligarchiques, c’est effectivement lui assigner une place insidieuse de foule. Tout comme justifier le pillage systématique du sud par le nord en arguant de faussetés économiques pour mieux occulter les mécanismes financiers de l’égrugeage du sud par le nord, est entreprise de transformation des multitudes médiatiques qui reçoivent ces informations factices, en foules désinformées et aliénées. La vulgarophilie étatique est une machine à fabriquer des aliénés intumescents et des imbéciles gonflés de la plus sale des arrogances. La vulgarophilie étatique est ochlocratique dans les événements à usage de masse pour y puiser une "légitimité" massive majoritaire mais demeure strictement oligarchique dans l’orientation des politiques toujours appliquées par et pour quelques-uns instrumentalisant l’État. La déviation vulgarophile de la multitude populaire ne se fait qu’à coups de déviances immondes infligées par l’État pourri et sa société putréfiée.
Vulgarophilie et démantèlement de la citoyenneté.
La production oligarchique du peuple en foule, est une désorientation des énergies potentiellement révolutionnaires par l’idéologie. Dans un tel contexte, les consciences encore alertes doivent monter de nouvelles stratégies pour partir en guerre à ces cloaques institutionnels faisant des populations, des foules méprisables utilisables aux plus basses besognes du système. Conscients que les organes idéologiques d’État sont eux-mêmes sciemment façonnés pour être ces cloaques que j’appelle vulgarophiles, nous devons, nous les non embringués à la foule de l’ordre étatique des vulgarités idéologisées, proposer - ne serait-ce que par notre refus ferme et fortement exprimé du statu quo - une construction nouvelle et digne de la citoyenneté. Car si l’individu est vulnérable à la vulgarophilie idéologique, le citoyen vrai, c’est-à-dire conscient et bien éduqué, parviendra à démasquer les pièges par lesquels l’État et la société moloch le dépossèdent de son humanité, de sa conscience réflexive, de sa raison pour le réifier. Le citoyen à venir, s’il naît au bout de nos efforts, ne sera plus métamorphosable en chose réflexe impulsive ou objet fanatique comme le sont bien des foules actuelles dites peuples voire nations aux pieds de l’État qui en fait son paillasson.
Il est ici à noter que l’adjectif vulgarophile comporte une sémantique duelle nuancée selon que son emploi réfère à l’actif ou au passif. Ainsi, l’État vulgarophile est celui qui structure par les institutions qu’il administre un comportement de foules à la société qu’est le peuple, tassé par lui en cohortes irrationnelles et vulgaires. Par contre, la société vulgarophile est celle qui est dénaturée en foules, celle qui subit la débilitation de ses potentialités civiles et politiques et se voit réduite en collection de foules au rythme des intérêts de conjonctures et de circonstances déterminées par les besoins et désirs des oligarques maîtres de l’État et de l’institution sociale...
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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