Par Camille Loty Malebranche
Comment vivre dans l’enchantement au sein d’un monde de platitude et de sécheresse pragmatique où l’agressivité morne de l’immédiat dit réalité, bloque tout accès aux plus simples charmes naturels de la vie et détériore la qualité des rapports humains? Sans être une désincarnation fictive, expatriation fantasque de l’imaginaire, la transcendance spirituelle seule peut y contribuer. Et parlant d’expatriation, nous ne pouvons oublier les apatridies forcées de l’individu dans un contexte de séquestration multiple des espaces de l’homme par l’idéologie, car l’État, soi disant propriété commune des fils de la nation, est converti en sceptre terrifiant entre les mains des magnats voraces de la finance, de l’industrie et du commerce contre l’individu cloîtré par les structures débilitantes du pouvoir qui annihilent ses droits citoyens.
Le culturel, cet espace immatériel et impondérable - subverti par le marchandage médiatique, freiné par les ayant droit de la diffusion de masse, accoutré par le kitsch pour le populisme médiatique - est, hélas, ravi aux peuples auxquels on ne présente que les productions le plus souvent banales mais fortement commercialisables pour les foules ignares que téléguident les organes de presse mainstream. Même la sexualité est transformée en une espèce de sport génital, coupée de toute intimité authentique car ravalée en promiscuité déshumanisée vu la rareté de l’amour et l’altération du rapport interpersonnel réduit en connexion organique et quête obsessive de spasmes anatomiques d’une jouissance avide compulsive. Jouir compulsif exigeant de la performance sexuelle à défaut des joies profondes et durables de l’amour et les finesses de la romance d’aimer.
Seuls les esprits conscients aptes à transcender la pesanteur matérialiste et vulgarophile de l’ordre social, échappent aux vilenies dominantes. Néanmoins, le dilemme auquel fait face l’homme d’esprit est entier, car nul ne peut abstraire un système ambiant, ledit système constituant l’englobant de fait de l’individu, voilà pourquoi il est une vraie nécessité de révolution opérant le renversement systémique quand l’ordre social est indigne. Et ce, pour purifier les modalités des rapports humains, pour humaniser la société qui, telle qu’elle est en sa vulgarophilie, fait du grand nombre, une foule invasive et inhumaine raréfiant les moindres sphères d’expression de vie et de l’esprit. Même pour le plus résolu, le plus souverain des esprits, le sevrage qu’est l’absence de pairs cogitants, constitue un manque, un exil, une blessure... Trouver sa famille d’esprit reste la terre d’asile du sage qui assume l’humanité au milieu de l’agressivité des réifiés allègres, aliénés et débiles en leur condition de choses animées du système de tous les maux et de toutes les aliénations.
La famille d’esprit est le partage de tout humain assumant son humanité, le refuge de tous les cœurs voulant rester humains contre l’insanité généralisée des rois systémiques et de leurs roturiers zélés.
L’individu dérouté dans un ordre du monde platement matérialiste, emporté dans l’errance de la foule idéologisée loin des plénitudes de l’esprit, contemple ses reflets et caresse son ombre en véritable reclus cavernicole assigné aux parois des méandres idéologiques impitoyables d’une société anthropocide. Et, l’homo sapiens, tel un troglodyte hagard au regard sans vision dans l’obscurité épaisse de sa caverne existentielle, se contente pitoyablement de l’ombre de son propre être nié, son essence déshumanisée, n’arrivant même plus à désirer voire à imaginer le jour, tant il est devenu lucifuge. À vouloir trouver le sens hors de lui-même, dans les superficialités du superflu, l’individu contemporain s’est inventé toutes sortes de colifichets absurdes et superfétatoires, oubliant que le sens est aux tréfonds de l’homme, inscrit en l’esprit, cette hypostase méconnue de lui et fatalement méprisée pour sa propre perte. Les hommes ont oublié que point n’est besoin d’enchanter artificiellement la vie car l’esprit qui s’assume selon sa vérité, est en lui-même une splendeur, une sphère de transcendance enchanteresse par delà les manques du sensible et les limites de cette existence.
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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