Par Camille Loty Malebranche
Je désigne sous le vocable de réalisme matérialiste, la manière d’introjection opportuniste de tous les principes idéologiques de réussite sociale via la prépondérance matérielle dont opèrent des individus et des groupes dominants dans notre société de clivage et d’étouffement des non opportunistes. C’est le matérialisme froid et morbide qui veut à tout prix maintenir la société telle qu’elle est, afin de profiter de ses horreurs, ses injustices aux dépens d’autrui toujours perçus comme moyen à utiliser… Le réalisme est ici un goulot strangulatoire contre les rêves dignes de ceux qui refusent de se salir en intériorisant la weltanschauung abjecte du succès comme fin justifiant tout…
Il faut constater que même au stade étatique, le réalisme matérialiste, le fameux pragmatisme économique des États poussé à l’excès, fait du monde qu’il influence, un espace blême et morbide sans rêve authentiquement humain car le rêve vrai est transcendance et donc par essence, contraire au réalisme utilitaire et ennemi du pragmatisme forcené.
C’est sans doute l’une des causes de l’effondrement outrancier des valeurs, le nœud de la crise axiologique apparemment indénouable qui sévit au monde. C’est que la civilisation a tellement plongé dans les grands fonds abyssaux, ténébreux du réalisme jusqu’à l’absurde, jusqu’à en être repue, surchargée qu’elle en a fini par devenir élément de la crasse sédimentaire dudit réalisme d’où elle n’arrive plus à s’envoler par le rêve.
Boire le calice du réel jusqu’à la lie, tue la vérité ailleurs qu’est le rêve… Les individus ne sont que les dépouilles hagardes, ombres desséchées du réalisme, singeant un sens inéprouvé quand la société ne mobilise que les pulsions et instincts matérialistes.
Lorsque même le rêve est postiche, dénaturé en ses racines corrompues par le réalisme social abortif de toute transcendance, freinante de toute construction humaine de l’individu, l’individualisation égocentrique, partant de l’individuation naturelle, s’érige quant à elle souvent monstrueuse puisqu’elle tend à produire chacun en prédateur ou bourreau matérialiste de chacun (une autre face quoique larvée du « bellum omnium contra omnes » hobbésien).
Le rêve authentique, le digne rêve humain ne draine pas de pitoyables ambitions individualistes, non, le rêve vrai, loin de ravaler l’homme au sous-sol des instincts de prédation égoïste, le projette vers les orées d’un accomplissement qu’il vit comme en devenir, comme étant en route, comme immanent à la perfectibilité humaine. Hélas, le plus souvent en ce bas monde, c’est le diabolique réalisme social qui substitue aux rêves individuels, les ersatz bêtes d’un rêve dévié déviant, tératogène qui fait marcher sur la tête de l’autrui écrasé, transformé en marchepied du délire narcissique de prépondérance sociale de l’individu ou du groupe le plus intriguant, le plus méchant!…
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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