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Par Camille Loty Malebranche
Il y a manichéisme lorsqu’une conscience porteuse d’une doctrine, se ferme sur elle-même se jugeant seule instance capable du bien, ne reconnaissant à tout autrui doctrinal que le mal à exclure. Le manichéen ne laissant aucune chance à aucune autre vision, confond la différence avec la déviance; prend l’altérité pour de l’altération. Une telle attitude rate par son rejet automatique de la différence, toute ressource qui pourrait devenir enrichissement de sa propre position. L’exclusion de l’autre jugé mauvais parce qu’il est autre, est la faiblesse du manichéen.
Par delà le manichéisme, l’autre excès haïssable et totalement dénaturant est cette trop forte porosité aux contraires doctrinaux, qu’est le laxisme. Le laxiste manifeste un manque de caractère, se corsant soit dans une grave carence en estime de soi, soit dans un opportunisme grivois prêt à se dénier pour des avantages qui lui sont offerts, à condition de se renier. Et là, je dis malheur à celui qui croit devoir quoi que ce soit aux structures dénaturantes qui orchestrent la grande aliénation de masse constatée dans le monde; malheur à celui qui pense, pour plaire au simplisme des foules, devoir céder sur ses justes principes au mal érigé ordre du monde où des monstres se faisant quasi maîtres des vies et des biens, exigent soumission. Malheur au laxiste par excès de reddition au monde, sous prétexte de refus d’être désigné manichéen par autrui! Le manichéisme n’existe que lorsqu’une conscience exclut le différent non mauvais et sans danger pour sa propre voie. Car toutes les fois que je prends position, je suis aux antipodes de mes contraires, et si je juge ces contraires dangereux pour ma propre assumation de ce que je veux, perçois et définis comme voie, je dois les écarter imparablement et sans complaisance. Ne pas le faire serait du laxisme déviant, de la mollesse autocorruptrice. L’ouverture à la différence ne saurait être l’abandon de ce par quoi je me définis comme sujet agissant. Il suffit de regarder la simagrée désopilante, grimaçante que devient le socialisme de certains éponymes laxistes aujourd’hui au pouvoir, pour comprendre que ni en métaphysique, ni en morale, ni en politique, il ne peut y avoir, sauf pour des démagogues et des manipulateurs, d’alliance entre des antipodes inconciliables.
En parodiant l’Écriture sur la fustigation divine de celui qui n’est ni chaud ni froid, parce que dans l’indéfinition soi disant mitoyenne et insignifiante du tiède - lequel tiède pataugeant dans des singeries de centrisme factice et de modération pusillanime - je dis que le laxisme est galimatias nauséabond des lâches et des inconvaincus, tiédeur provocatrice de rejet, tiédeur donc condamnée à être vomissure car répugnante à l’entendement ferme du fidèle aux vérités principielles et à soi.
Quand l’abstention et la dissociation sont les seules voies de fidélité à son juste credo et à soi face à un ordre puissant et sans pitié quand il s’agit de broyer les consciences pour se les assimiler, le désert et sa solitude devient préférable à toutes les apothéoses orgiaques de l’insanité dominante. Face à l’ogre pluriel de la déshumanisation systémique, la distanciation individuelle ponctuelle, casuelle, est la seule armure de conservation de soi dans la justice. Là, s’ouvrir par peur d’être perçu manichéen, serait tout simplement de la reddition de soi aux forces corruptrices, de la trahison des principes constituant le conatus même de l’humanité en nous...
L’homme, parce que conscience choisissante est aux extrêmes: extrême par rapport au contraire de son choix, extrême vis-à-vis des rejets et refus de son jugement. Son devoir est d’assumer avec lucide pondération et équilibre sans violence à autrui, sa différence, son choix assumé.
Vaut mieux la souffrance et l’adversité plutôt que la déchéance dans la dénégation de soi, fût-elle masquée de fausse réussite car toute réussite par reniement de soi, trahison des fondements proclamés, est factice... Plutôt la guerre qu’un prétendu pacifisme d’assujettissement à ses contraires.
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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