Par Camille Loty Malebranche

Dans son rapport aux autres humanités, ces alterhumanités dites périphériques, l’occident constitué des puissances ex colonialistes et impérialistes, poursuit - parmi ses visées prioritaires - la fabrication des soi disant élites de ladite périphérie du monde dont ses puissances sont le centre épistémique et culturel.
Après l'esclavagisme ancien, l'occident, centre culturel contemporainement "démocratique", se paie non plus des bras pour ses plantations mais des têtes serviles à son colonialisme contemporain en modelant les intelligentsias officielles des pays ex colonisés, asservissant leur conscience intellective et discursive, les institutionnalisant, les surmédiatisant, les dressant "entendements" à la remorque, reproducteurs réflexes du discours du centre occidental que ces prétendues élites périphériques considèrent comme seule instance habilitée à être réflexive! Pitoyables élites serviles que le centre paternaliste couronne comme super-intelligences reconnues par des dieux, afin de mieux les réifier et instrumentaliser contre les leurs... Hélas, la servilité intellectuelle a cela de pernicieux, c'est qu'elle se laisse croire intelligente voire émancipée parce qu'elle sait évoquer le savoir sans le posséder ni même pouvoir utiliser sciemment ce qu'elle répète servilement car le servile intellotype en général, surtout celui du sud (comme j'appelle cette engeance) ne sait précisément ni penser ni même percevoir par lui-même sans le prisme de ses maîtres!
En choisissant la dialectique centre-périphérie, je tiens à souligner la guerre d’anéantissement de toute dignité intellectuelle que les puissances du nord économique érigés centres épistémiques planétaires, mènent contre l’épistémè - cet ensemble de matrices institutionnelles façonnant la weltanschauung culturelle - des pays périphériques où même les soi disant élites intellectuelles ne sont parfois que des sous-produits d’institutions culturelles du centre se choisissant parmi les originaires de ces pays périphériques, leurs représentants idéologiques que les pays du centre promeuvent artificiellement pour en faire des « surhommes ». C’est de la colonisation intellectuelle et culturelle discrètement portée à l’extrême pour maintenir les pires servitudes colonialistes et impérialistes, en caressant la sensibilité mentale de l’ex colonisé à être reconnu par les institutions de l’ancien maître.
Le centre, vis-à-vis de la périphérie, est l’appellation culturelle que sous-tend le nord envers le sud, en langage politico-économique. C’est, en quelque sorte, la désignation de la colonisation de la culture des pauvres ou paupérisés au niveau du champ d’expression identitaire, de l’imaginaire et de la saisie épistémique du monde. Le colonialisme suggestif disloque les humanités en altérant le sens des choses via toutes sortes de fausses lectures et suggestions épistémiques, toutes espèces d’idéologisations du discours sur soi du colonisé tardif produit en réflexe du colonialisme suggestif du centre. Là, le discours est orchestré de part en part par le centre colonialiste pérenne, vu le caractère passé-présent du joug colonial.
La suggestivité par les matrices structurelles des puissances impérialistes, constitue la face morbide, pernicieuse d’un passé-présent colonial déshumanisant. Le colonisé actuel est un reflet animé des réflexes orchestrés selon les institutions idéologiques du rapport centre-périphérie, rapport se situant en filigrane de la grande fracture épistémique provoquée par la domination des suds par le nord. Les institutions économiques du nord imposent l’ordre du monde interétatique; alors que les structures culturelles du nord décident de la reconnaissance de l’entendement au sud, en désignant les « universels » et les « célèbres » que les foules doivent suivre, écouter et après qui, répéter. Quand des sociétés qui se croient essentiellement inférieures et intellectuellement infrahumaines se réfèrent à des dominateurs contempteurs pour s’apprécier elles-mêmes, toutes sortes d’aberrations sont permises dans le regard de soi biaisé, dévié à travers le prisme piégé, déformant de l’autre.
Faire en sorte que les grands amuseurs et folkloristes dits littéraires sans position dangereuse contre l’ordre nord-sud et les modalités du colonialisme nouveau, aient l’onction pour incarner dans la périphérie, la parole culturelle officielle et systémique, voilà l’action des pays du centre. Ainsi, tout est fait selon ce qui convient aux maîtres, car les protagonistes surmédiatisés de l’activité culturelle de la périphérie, leur mangent littéralement dans la main. Assurer leur mainmise sur le mental à travers la perception de soi des pays périphériques, où les percepts anticipent les concepts de la vérité sociale et humaine, leur weltanschauung collective, c’est une mission dont les institutions du centre s’acquittent avec brio et acharnement. Leur paternalisme culturel se précise à travers les choix de ce qui est promu médiatisé, institutionnalisé, et leurs élus sont de fait comme sommés de se prendre pour des oints d’un ordre central qui les fait spéciaux dans leur milieu d’origine trop sous-développé et arriéré. Leur assimilation par le centre supérieur auquel ils sont redevables, les porte naturellement à se prostituer mentalement à l’ordre central, eux qui se reconnaissent néant en soi à qui ledit ordre central prête existence et être… Là, l’on saisit pourquoi lesdites élites consacrées de certains pays périphériques savent si bien se nier allant jusqu’à dénigrer les hauts faits de leur histoire nationale, pour répéter les thèses ethnocentristes et sociocentristes de l’idéologie du centre néo-colonialiste leur imprimant dédaigneusement malgré les titres et privilèges accordés, l’inessentialité de leur ethnie, la vanité de leur passé criminalisé par des formes de négationnismes leur insinuant la honte et le rejet de tout épisode combatif et de refus du colonialisme par certains de leurs héroïques ancêtres anti-esclavagistes et indépendantistes.
Un exemple parfait de l’interaction des colonialismes suggestif et réflexe en notre temps, est le courant pseudo-humaniste contre-historique plein d’uchronies reptiliennes des ex colonisés, croyant devoir insulter, comme c’est désormais à la mode, leurs ancêtres qui auraient eu tort d’avoir combattu telle métropole esclavagiste et tué des colons dans des guerres ou après des guerres. Certes, de telles billevesées verbales teintées de puérilités grivoises circulant désormais sur le web parmi la canaille intellotype des colonisés réflexes, n’auraient aucune valeur si des imbéciles de tout poil n’y prêtaient importance précisément parce que ceux qui les divulguent sont porte-parole d’une lumpen-intelligentsia dont l’effigie principale est le pitoyable besoin d’être conformes au regard du maître central incarnant l’entendement. L’on appréhende que ceux-là, ces infectes élites, portent l’ethnie cette identité et altérité - toute identité étant ipséité en soi et altérité face à la différence - comme condition inassumée en propre, comme ombre d’autrui et traumatisme ontologique. Hélas les auto-dénigreurs, contre-historiques, négateurs de leur propre passé par flagornerie et indignité quant à leur gérance du présent, eux, sous-produits des sempiternels rois systémiques et idéologiques du centre colonialiste pérenne, pratiquent ad nauseam la déstructuration des mentalités de la jeunesse de leurs pays.
La dénégation de soi camouflée sous une toison de folklorisme identitaire et culturel d’affirmation de soi totalement inoffensif pour l’ordre nord-sud et centre-périphérie, est le plus puissant bras que se paient les colons du centre.
Nier son histoire ou l’altérer, c’est se nier en partie soi-même, car l’être particulier collectif ou individuel est historicité et temporalité, même s’il peut toujours être métaphysiquement posé par projection sur le plan de l’eschatologique.
Nier les apothéoses, les éclats de génie et de juste combat de son histoire quand on est soi-même loques néo-coloniales, génération de paillasson qui n’a rien foutu que le façonnement d’une société clivée et stupidement discriminatoire malgré la plus immonde stérilité économique et structurelle, n’est que déresponsabilisation de soi au présent que camoufle la surenchère du passé. De la honte inassumée accoutrée de fausse arrogance.
Le contrôle et l’aliénation des élites culturelles de la périphérie, tient du pouvoir de conditionnement du regard sur soi des sociétés périphériques que se donnent les pays du centre empêchant l’émancipation mentale et l’appropriation de soi par des pays ex colonisés à travers un colonialisme suggestif de l’entendement qui fait desdits pays de la périphérie, des colonisés réflexes. Colonisés réflexes et reptiliens, sans exigence de réparation des multiples préjudices réparables au maîtres du centre, sans non plus l’évocation d’une obligation de reconnaissance par le centre de l’irréparable monstruosité de ses multiples génocides d’africains sauvagement tués pendant des siècles au cours de la traite et sur les plantations. On ne saurait ici oublier les autres exterminations génocidaires de plusieurs peuples indigènes du nouveau monde occis selon les horreurs de l’ordre esclavagiste instauré par des pays européens jouant aujourd’hui les civilisés purs et donneurs de leçons à des turcs sur leurs ancêtres massacreurs d’arméniens.
Renoncer au jugement propre dans le choix de soi-même, se dénier par flagornerie et goût de privilèges pour plaire à des dominateurs que l’on singe, n’est qu’abomination de pseudo-élites périphériques, colonisées réflexes du centre. Se complaire à être relayeur réflexe des rudiments idéologiques des colonialistes, en renonçant à toute réflexivité autonome pour reprendre les thèses du centre contempteur de la périphérie, constitue l’ultime bassesse, la plus extrême ignominie où un prétendu intellectuel voire une quelconque intelligentsia du sud puisse s’abîmer.
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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