Par Camille Loty Malebranche
(La modalité didactique)
La répétition est du point de vue anthropologique, ce qui fait office de fixatif des acquis humains par la mémorisation qu’elle permet. C’est donc la voie didactique majeure vers la construction de la culture, la route de tout acquis social et individuel, le mouvement cognitif qui ajoute la culture à la nature. On le sait, sans la répétition comme reprise fixant les acquis cognitifs, les constructions humaines à poursuivre et améliorer, il n’y aurait ni civilisation ni progrès. D’où, le nom de répétiteur fait synonyme du titre d’enseignant. Sans répétition pour transmettre les éléments du mode de vie et conférer de la pratique à l’apprenant afin de fixer en connaissance ledit mode de vie, nulle continuité sociale, nulle connaissance, ne serait communiquée; le non inné culturel ne deviendrait jamais patrimoine de l’humanité et rien de non naturel (expression que je préfère au lemme artificiel trop ambigu) ne serait ajouté ni aux innéités constituant la nature humaine ni au préhumain c'est-à-dire le cosmique terrestre ou lointain que nous appelons la nature…
En somme, c’est par la répétition que la culture apporte les construits humains qui transforment l’univers terrestre en monde. Le monde étant, comme je le dis toujours, la petite part de la culture humaine additionnée à l’univers, entendons, la planète terre, notre coin cosmique.
(La répétition comme servilité intellectuelle)
À côté de la dimension didactique susmentionnée, il est hélas, le côté servile de la répétition : celle non de l’apprenant ou du répétiteur mais grimace dégoûtante du répéteur stérile. Il n’y a pire servilité intellectuelle qu’une répétition rendue moribonde sans intervention créatrice pour la rendre féconde. D’où, la didactique et la servilité constituent le dualisme antagonique de la répétition. Ce n’est point une dialectique car les deux ne sont pas nécessaires et ne forment point un couple, n’étant pas consubstantiels de la répétition. Il s’agit tout simplement du bon usage ou du mésusage de la répétition par l’intelligence soit éveillée soit aliénée qui s’en empare.
Si la répétition, nécessité didactique, est, nous l’avons vu, le socle même de l’apprentissage et la base de la civilisation humaine - en tant que mémoire active qui permet le progrès de l’intelligence en rendant cumulatives les conquêtes de celle-ci - elle (la répétition) incarne malheureusement le lieu de la plus criante arriération mentale, de la plus répugnante aliénation intellectuelle, quand elle devient collection de reprises livresques et de citations pour agencer le discours standardisé et unique de l’ordre du monde. Citations faisant de la communication publique, une récitation de l’idéologie dominante, émaillée de répétitions sans nulle nouveauté cogitante ni même d’applications vraiment éclairantes de l’ancien, que des spécialistes souvent surmédiatisés, surdiplômés se paient pour paraître brillants et savants.
Quand le bagage de nombreux intellos de médias, se réduit à un baragouin ressassant le tableau onomastique des auteurs de leur bibliographie scolaire, les intellotypes, comme je les nomme, citateurs d’auteurs illustres, se dispensent de penser, eux, pourtant si influents dans la presse et les universités, en bons connaisseurs enrichis pour faire la leçon sur les puissants médias systémiques. Ces médias, grands réseaux de civilisation se rendent-ils compte qu’ils orchestrent la décivilisation en tant qu’ils participent d’une forme de mise à mort du bon sens, d’un mode de péril de l’entendement collectif et individuel. Sachant que les modèles de la jeunesse contemporaine sont en forte partie, médiatiques, il est à se demander si la génération des intellotypes n’est pas tout simplement en train d’orchestrer, de programmer un déclin de la faculté de penser, une mort à cette spontanéité intellectuelle qui fait les penseurs de tous les temps!?
Allons-nous vers un monde où ne règneront que des techniciens et des exécutants qui appliqueront machinalement des formules et exécuteront compulsivement des recettes? Là encore, l’unique façon d’exorciser l’imposture semble la piste d’une révolution globale renversant l’ordre actuel. Une révolution comme sceptre nouveau de correction humaine contre la nouvelle actuelle perversité systémique, propre à l’ordre du monde.
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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