Par Camille Loty Malebranche

La nécessité implique la substance des êtres, leur essence ontologique selon leurs normes principielles, alors que l’accident désigne une condition situationnelle anormale des êtres. La nécessité touche donc à la substance comme essence de l’être particulier ou de l’espèce d’êtres dans sa nature. L’accident tient du devenir exceptionnel par intervention d’un agent extérieur conditionnant soit en modifiant simplement le mode d’existence mais pas l’essence de l’être affecté, soit, en cas de contact violent, en détruisant ou déformant l’être accidenté. Vous conviendrez avec moi que l’accident d’un enfant né dans l’espace aérien d’un pays étranger et qui en obtient la nationalité alors que la mère n’envisageait pas accoucher pendant le voyage, n’est pas de même type qu’une maladie contractée accidentellement par un individu qui a inhalé un gaz toxique répandu dans la rue où il passait par hasard. Le premier cas n’affecte nullement l’être dudit enfant mais son statut légal de nationalité alors que le second frappe la nature somatique du passant.
La nécessité se distingue de l’accident par la fatalité de son inhérence naturelle. Une nécessité est immanente à un être, une catégorie ou une espèce dont elle implique des caractères inéluctables. Nécessité et accident sont deux entités majeures de la scène de la détermination humaine, par leur incarnation des catégories de l’inéluctable et du gérable.
La nécessité réfère à ce qui surclasse toute volonté humaine et s’impose de soi. La nécessité est le contexte des essences où il s’agit de la nature inévitable des étants et non simplement de leur possibilité. La nécessité est la nature extra-humaine du fait ou de l’occurrence contre quoi, l’homme ne peut rien. Ainsi la modalité fondamentale de manifestation de la nécessité, est son inévitable substance indépendamment des situations, s’imposant au fait d’être par son étantité, l’incontournable vérité ontologique de l’être comme spécificité (c’est-à-dire en tant qu’être particulier ou espèce). Là, il est question de causalité transcendante qui n’est pas du ressort de l’homme même si les hommes peuvent y intervenir à l’heure des manipulations génétiques. Néanmoins ce qui fait que génétiquement on est un humain et non un rat par exemple, dépend de la nécessité ontonaturelle. Par exemple, la génétique humaine comme espèce, de même que le génome particulier d’un individu sont des nécessités.
L’accident est cette forme d’événement survenant à des circonstances concomitantes dont les conditions de survenance non nécessaires sont carrément évitables si une intelligence ou un fait de prévention ou de gérance s’y met. En ce contexte de l’action, l’accident porte l’idée négative du non désirable, l’occurrence du pire ou à tout le moins de l’involontaire. Au stade naturel, tel en génétique, il n’y a pas à proprement parler d’accident mais des failles difficilement qualifiables d’accidentelles. C’est - fors le cas de causes épigénétiques provoquées par l’action humaine sur l’environnement ou l’organisme concerné - des cas de pathologies dues à des déficiences naturelles inhérentes audit organisme. Il est intéressant de remarquer à ce stade de notre réflexion que la capacité de prévoir, les prises de précaution diminuent les contingences humaines qui, sans être en soi des accidents, constituent les conditions de certains dits accidents. Force est aussi de remarquer que des pratiques spirituelles comme la prière, la force suggestive de la foi peuvent prévenir une multitude d’accidents terrifiants. Je parle d’expérience d’homme de foi.
Pour revenir à la nécessité, il faut constater qu’elle nous amène aussi à notre nature profonde spirituelle, le sens de notre être et l’exigence d’en connaître et de vivre la nécessaire voie de son essence, son fatum. Qui ne répond à cette nécessité ontologique se dissout lui-même dans cette sorte de non-être du contraire de soi, cette forme de néant de l’ipséité espécielle, qui refuse voire agresse inconsciemment sa vérité immanente d’Homme, son humanité.
Seule la nécessité parce que substance (condition naturelle), est téléologique et donc est visée par nos quêtes d'entéléchie, car l'accident n'étant ni nature ni choix, demeure un intrus, une malencontre (mauvaise rencontre) que nul ne cultive; or accomplir ou s'accomplir, c'est projeter et cultiver une essence vers sa finalité perçue, éprouvée. Un calligraphe n'intégrera jamais une tache d'encre provoquée par le glissement accidentel de sa plume mais cherchera à s'en débarrasser en la camouflant habilement ou simplement en recommençant tout sur un parchemin neuf afin d'accomplir la nécessité qu'est son oeuvre calligraphique!
Il faut aussi comprendre que les contingences naturelles, l'ethnie, le lieu de naissance, nos géniteur et génitrice, notre sexe, tout en étant des parts de fatalités non essentielles de notre nature, constituent des impondérables qui limitent nos connaissances de l'essence, des pierres sur quoi achoppe toute théorie sur la nécessité et l'accident, car si ces faits sont en effet contingents et donc ne constituent nullement l'essence humaine, ils ne sont pas accidentels n'étant ni étrangers ni occasionnels mais inhérents à cette essence, voies obligées de la nature. Des voies contingentes donc qui font partie de la condition de la nature de l'être. Ces contingences naturelles constituent sans doute des cas rarissimes, peut-être uniques, où la nature n'est pas substance.
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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