Par Camille Loty Malebranche
Le paradigme de la démocratie avec la prééminence de l’homme citoyen, « homo civilis » proche de ses semblables, amical et pleinement humain, s’est éclipsé pour se métamorphoser en un populisme souriant qui n’en est pas moins violent dans ses conséquences. À la valeur intellectuelle, se substituent les gesticulations discursives idéologiques d’une pseudo culture populacière axée sur le mode de vie industriel où le caractère utilitaire des objets et services voués à alléger le travail des hommes tout en améliorant les conditions de vie des humains, est surclassé et subverti par la religion païenne idolâtre du marché.
Le marché et ses règles constitue la seule vraie religion planétaire de l’homme contemporain. Religion anthropophage de refonte déviante des objectifs humains de l’industrialisation du monde, de maîtrise de la nature pour le bien global des hommes. Ainsi, là où la vie sociale devait devenir plus humaine, plus fraternelle par l’allègement des besognes prises en exécution par la machine, l’obsession de rentabilité a généré un mode d’être social dominé uniquement par le continuum production-consommation avec son matérialisme effréné, ses prédations interhumaines tant sociales qu’internationales, de toutes sortes. Là où les objets et services devraient nous libérer de nos manques matériels et ainsi permettre l’émergence du nec plus ultra de notre humanité, favorisant l’expression de la quintessence de nos splendeurs espécielles en société, ils sont devenus agents de clivages, ferments de convoitises, lieux de tous les abus et orgueils du droit de propriété avec toutes les inégalités que la propriété entraîne, entraînant toutes les misères que la paupérisation sociale des majorités par les groupuscules richissimes, provoque. Comme une pulsion atavique, une pathologie hégémoniste compulsive, les nantis guetteurs du profit sans loi sont en action partout sur une planète faite marché de toutes sortes où l’homme n’est qu’un chaînon, une maille dans la chaîne vorace du marchandage.
À la grandeur authentique de cette formidable espèce que nous sommes, nos propres créations et inventions ont fini par substituer la vanité des extrinsèques qui font oublier les intrinsèques essentiels. Ainsi, tout est devenu affaire d’exhibitionnisme de breloques ostensibles, de rudiments de consommation de produits en signes de classe ou de caste. Comme un baigneur en péril dans une mer sauvage agitée et peuplée de prédateurs monstrueux, l’humanité de l’homo industrialis se trouve en hydrocution sous le flot des signes idéologiques imprimés aux objets et services. La nouvelle idolâtrie de la société contemporaine - inconsciemment superstitieuse d’aujourd’hui, qui prend la relève des empires païens d’autrefois aux rites anthropophages, lesquels empires sacrifiaient les hommes aux dieux de métaux et de pierres - c’est de faire de l’humain d’aujourd’hui, juste une hypothèse inessentielle que seul vérifie et définit le marché et son intégration par l’argent.
L’homme de notre temps n’est même pas une hypostase consciente derrière la configuration des structures gigantesques de l’ère de la consommation à son âge d’automation. Non, la plupart des hommes de ce temps, cybernétisés jusque dans leur être et leurs réflexes, ne sont plus humains mais choses sonores et réactives - abandonnant l’orgueil juste pour des arrogances farfelues - qui n’arrivent plus à émerger de leur immersion où, noyés, leur dépouille infra-systémique, animée artificiellement par les démences pulsionnelles, les aberrations passionnelles et injonctions compulsives de l’ordre socio-économique, n’est que l’ombre errante de ce qui aurait dû pourtant les aider à être plus heureux et plus vrais dans leur humanité. Ainsi, les paradigmes de la grandeur humaine sont devenus le rapport du soi réifié, programmé par les dei ex machina institutionnels; rapport d’ombres simiesques, singeant une pseudo-humanité, à l’ombre des structures et institutions qui altèrent le jugement des hommes, éteignent toute transcendance métaphysique naturelle, figeant les fonctions intellectuelles au vendable selon sa forme la plus inhumaine, la plus haïssable entre toutes, qu’est la compétition. Compétition, résurgence du sylvestre de la jungle impitoyable en pleine civilisation, où chacun voit en l’autre, matière à profit, ce qui finit par faire de l’homo industrialis débouté de ses projections de départ, un triste animal infra-systémique, le pitoyable reflet réifié des us et praxis voraces et anthropophages d’un ordre de consommation qui le consomme en dernier chaînon de la chaîne de prédation idéologique.
Substituer des ersatz à l’essence même de l’humain comme être et pouvoir-être, tel est le maléfique effet d’une civilisation de contresens et de destruction des paradigmes originels et pérennes de l’humanité.
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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