Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Par Camille Loty Malebranche

 

Barbarie et sauvagerie sont deux péjorations respectivement objectiviste (c’est-à-dire comparative vu que la différence du barbare est perçue par un locuteur qui le juge en opérant par comparaison avec lui-même et avec sa culture) et subjectiviste (ce qui suppose que ledit locuteur prend en soi, l’altérité du sauvage constituant le sujet-objet jugé).

   

En considérant la barbarie et la sauvagerie, ces deux sentences de jugement d’autrui, jugement posé d’après ce que l’entendement du juge entend par civilisation, il est essentiel de discerner l’aspect ethnique du premier et le caractère naturel et social du second. Il faut ici signaler que la civilisation d’une société et de ses membres peut être définie, dans l’occurrence d’un jugement de valeur avec sa considération gnomique, comme le niveau de raffinement culturel, de rapport épistémique et technique à la nature, d’acquis en urbanisme (la ville et ses institutions étant un élément majeur de la civilisation) et en industrialisation, tout cela étant censé rendre l’homme plus humain, plus raffiné envers autrui et plus averti quant à sa propre nature et ses dévolus mélioratifs.

 

La barbarie

 

Nous saisissons donc ici que la barbarie réfère à la société mise à la sellette pour inaptitude à s’assumer « civilisée ». Ainsi, dans l’histoire, ce sont les autres peuples que la Grèce puis Rome, considéraient barbares parce que ne répondant point au stade de développement institutionnel respectivement des grecs et de la cité-État romaine. Force est ici de remarquer le discernement romain qui n’a pas vu la barbarie partout dans l’altérité ou l’extranéité puisque Rome, conquérante de la Grèce s’était mise à l’école grecque au point d’adopter son art plastique et littéraire et, chose si importante dans l’Antiquité, son culte (la mythologie et les dieux grecs quoique renommés), la philosophie…, ainsi que le dit l’inoubliable et proverbial énoncé: «La Grèce vaincue a conquis son vainqueur faroucheelle a fait régner l'art dans l'agreste Latium. »  

 

La sauvagerie

 

La sauvagerie nous interpelle sur la force brute et pure de la nature non imprégnée des façonnements de la manipulation par l’intelligence humaine, le savoir et la raison, bref, la sagesse de l’homme. D’où, quand elle se dit de l’homme, la sauvagerie réfère à la vie en nature loin des complexités sociales humanisantes, civilisatrices nées des interactions humano-institutionnelles. Lesquelles institutions constituent la civilisation. Mais dans cette sorte de définition, le problème qui survient n’est pas sans rappeler les querelles nominatives des deux Lévy (Lévy-Bruhl et Lévy-Strauss) respectivement préférant les prédicat primitif et sauvage pour qualifier l’homme hors de la civilisation en général, car l’homme sauvage quoique simple interlocuteur de la nature élabore une représentation de soi, du monde et de la société, qui détermine son mode de vie où il se représente lui-même et le sens des choses en les représentant. Et donc s’il y a peu d’institutions matérielles socio-étatiques supposées civilisatrices, il y a toujours une institutionnalisation imaginaire culturelle, souvent mytho-cultuelle, du milieu et du vivre ensemble. 

 

Toujours est-il que les deux lemmes barbarie et sauvagerie dont, comme nous lavons dit - la première désigne le civilisé opérant par le regard objectiviste, se prenant comme référent auquel il compare l’infériorité du barbare tout comme la seconde où le même civilisé joue à l’objectivation subjectiviste de l’homme considéré pour soi en son milieu - ont pris l’une et l’autre, une connotation négative qui péjore des sociétés humaines. Car si le barbare est nécessairement immonde et à ostraciser pour ses méfaits inhumains, asociaux voire antisociaux; le sauvage, même désigné bon par l’anthropologique objection de la conscience civilisée, demeure une sorte de non intégré dans l’intelligence qui fait évoluer l’humain vers le mieux-être selon le "progrès humain" que conquiert l’entendement actif qui fait du civilisé ce qu’il est. Et pire, le sauvage, par réflexes de la nature qu’il porte, peut agir pulsionnellement selon sa carence de rationalité, en animal contre le civilisé. Ici, il faut remarquer que même le vocable de "bon sauvage", malgré son apparente laudation de la sauvagerie comme naturalité bénigne, inoffensive dudit sauvage surtout face à l’environnement, pue la condescendance civilisationnelle chez le juge civilisé qui y voit le moyen plus ou moins habile de noircir les pages de ses carnets ethnologiques, de puiser pour ses émissions de télévision...

 

Le bon sauvage est celui qui est mis à contribution par le civilisé pour ses études anthropologiques et historiques, pour ses prescrits écologiques chimériques vu le système économique, prescrits où souvent, le civilisé désormais hyper-respectueux jusqu’à l’affectation, de laltérité, se repent de ses fautes colonialistes ou industrialistes. Les bons sauvages sont donc la réserve visuelle et actuelle pour la monstration du chemin parcouru de lhumanité et en même temps de la bénignité écologique des sauvages.

 

Drame barbare de la civilisation et sauvagerie de civilisés.

 

Malgré ses prétentions, de fait, la civilisation charrie en son cours les pires barbaries qui soient: le racisme, le despotisme, le hiératisme criminel, le colonialisme, l’esclavagisme, l’impérialisme, le capitalisme, tous du ressort de civilisations qui les codifient, les justifient voire les magnifient.

 

Barbares et sauvages sont partout et nous entourent voire dirigent selon leur ignoble manque de civilisation siégeant dans les palais et primatures où des moins que rien terriblement armés du pouvoir d’État, infligent les affres de l’austérité économique, les chantages de dettes, de maladies, de dangers allègrement inventés pour mener les peuples réduits en populaces, par la peur et l’imbécillité. Au lieu d’aider les moins avancés méprisés comme barbares et sauvages, la civilisation aura donc préféré produire sciemment et arrogamment, en violation de sa signification et félonie de son sens, ses propres barbaries, les pires qui soient, parce que dotées de toutes les armes de la manipulation idéologique, de la technologie et de l’industrialisation.  

 

CAMILLE LOTY MALEBRANCHE

Copyright © CAMILLE LOTY MALEBRANCHE - Blog INTELLECTION -  2016

Politique de Reproduction

Les textes du Blog INTELLECTION peuvent être reproduits, en tout ou en partie, gratuitement, à condition d'indiquer clairement la source http://intellection.over-blog.com/, avec lien actif vers notre site. Dans le cas de la reproduction sur un support autre qu'Internet, la mention de l'adresse du Blog INTELLECTION (http://intellection.over-blog.com/) est exigée.

Tag(s) : #Monde du Concept
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :