Le bachique, l’épique et le spirituel, trois modalités d’assumation du soi

Par Camille Loty Malebranche

Il est pour l’humain, trois grands modes de rapport à soi que nous désignons comme bachique, épique et spirituel. Modes par lesquels les hommes se manifestent comme conscience en action dans le monde, tout en se signifiant eux-mêmes. 

1) Le mode bachique est l’empire de l’individuel organique, modalité existentielle de l’homme assumant son individualité pour l’assouvissement immédiat. L’homme bachique est ivre de la vie qu’il veut vivre à l’excès, jusqu’à la consommation de l’énergie vitale dans toutes ses pulsions. C’est un niveau de conscience qui, s’il n’est conditionné par des principes forts, donne libre cours à l’instinct organique réduisant l’existence et le monde en champ de chasse au nom de lui.

Le bachique est mu par le plaisir obsédant. La quête obsessive de la satisfaction y pousse plusieurs à toutes sortes d’abominables comportements où ils utilisent tous, à travers des rapports érotiques abjectement malsains, car il s’agit d’assouvir non pas les besoins de leur ego, mais de leur désir charnel, leur plaisir organique. C’est le lieu de l’éros débridé et de l’assouvissement impératif voire compulsif du charnel littéral.

2) L’épique est l’ordre du social, de l’interaction paroxystique avec la société et de l’exigence de la distinction : une sorte de légende personnelle à construire, d’épopée de soi-même à écrire. C’est l’espace de la romance individuelle qui se distingue en se taillant une place remarquable à l’adresse d’autrui pour contenter son ego. Là, est la motivation des plus grands mérites temporels des hommes, du brillant se mettant au service de la collectivité au héros dans son domaine d’excellence. L’ego y exhibe, peut-on dire, son égoïté, mais sans forcément basculer dans l’égotisme ou l’égoïsme qui le rendent haïssable. Toutefois, ce qui est assez courant, chez certains individus de pouvoir, le mode épique bascule dans l’excentricité de la domination de leur semblable. Là, toutes les horreurs de l’esbroufe ostentatoire et de l’orgueil narcissique nécessairement tyrannique qui pousse les dictateurs, les banquiers, les politicards à se vautrer dans le mal et l’exaction contre le monde, sont malheureusement en germe. Qui ne peut contrôler l’appel épique de son ego, est un monstre qui couve.

3) Le mode spirituel est en soi, part d’un fonds existentiel propre à tous: le métaphysique. Le métaphysique constitue ce rapport au mystère de l’être, de la transcendance individuelle du fini organique à la transcendance infinie qu’est le "Tout Autre" vocable maladroit pour dire (l’Être originaire qu’est Dieu), le Divin etc.

Le métaphysique est soit proprement spirituel soit avatar d’un faux infini, auquel dernier cas, il ne fait que prolonger les deux autres schèmes susdits du bachique et de l'épique. Le fonds métaphysique est permanent chez l’homme, mais souvent ne se finalise pas en mode spirituel à cause des déviances matérialistes et sensibles du monde physique et du somatique qui l’éclipsent chez plusieurs, sans oublier ses multiples altérations par le religieux corrompu et corrupteur des institutions où, justement, des épiques en mal de pouvoir s’érigent prêtres et pasteurs, mais sont des loups et des prédateurs assouvissant leur propre ego, leur égotisme égoïste et féroce aux dépens d’autrui voire du saint nom de Dieu dont ils réifient l'infinité par leur homilétique et faux culte pour l’instrumentaliser. Ces épiques religieux avec leur religion d’exhibition du moi, sont ceux qui, littéralement, « prennent en vain le nom de Dieu ».

Le métaphysique s’accomplit par le spirituel bien fondé dans l’intuition intérieure, orienté à travers la révélation divine sinon, il se corrompt fatalement. Pour notre part, c’est la révélation Yahvéenne que le Christ Jésus a parachevé dans son enseignement et son œuvre rédemptrice qui couronne spirituellement le mode métaphysique, en en faisant le champ du Salut et de la Félicité du croyant. La rédemption christique est la voie mystique et surlogique du spirituel.

CAMILLE LOTY MALEBRANCHE

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Comments

[Lobev]

Concernant le mode épique, l'homme de recul sait que l'on ne choisit pas d'entrer dans l'histoire c'est l'histoire qui prélève son homme. C'est comme si ayant besoin d'une référence pour projeter les évolutions futures des autres membres de la communauté, elle choisit son point de repère en sa qualité d'homme providentiel, instructeur des autres consciences accusant un retard...sur un point particulier.
Sincèrement, quel succès aurait aujourd'hui un Martin Luther King dans une société ayant déjà reconnu et validé dans ses textes de loi l'égalité entre tous les hommes ? A la limite, il aurait une renommée à hauteur des injustices raciales persistantes, comme défenseur reconnu des minorités sans la portée historique et inédite du King.
L'homme d'exception est un outil utile à la marche positive du monde et outil magnifié en fonction de l'époque, et en dehors de cette dernière il aurait une portée ordinaire.
Pour s'en convaincre, prenons le domaine de l'aviation et des frères Wrigth. Des photos d'époque disponibles sur Internet témoignent de l'attroupement autour de leur appareil rudimentaire. S'attroupe t-on aujourd'hui pour voir le décollage et l’atterrissage d'un 747 ?

[Lobev]

« Nul n'est méchant volontairement », à savoir que ce que l'on qualifie de méchanceté n'est le plus souvent que dégât collatéral d'une conscience fermée sur elle-même et poursuivant ses propres buts égoïstes.

- Mode bachique : La recherche unique et par dessus tout du plaisir charnel pour soi, parce qu'elle est placée comme fin première peut ignorer jusqu’au mal dont elle use comme moyen. La recherche obsessionnelle compulsive de la satisfaction immédiate des sens ignore la souffrance d'autrui pour autant que le but soit atteint.

- Mode épique : Je voudrais entrer dans l'histoire moi simple mortel dont le temps efface les traces de mon passage. L'ego peut être assez illogique dans ses buts.

A quoi bon la recherche de la gloire si elle n'est que passagère, voire absurde ? L’évolution du moi se construit dans un continuum social où l'individu prélève dans son environnement immédiat la plupart des briques nécessaires à l'élévation de son moi distinctif et distingué. Qui pourrait se prévaloir d'être un petit génie de l'informatique à une époque ou celle-ci n'existait même pas encore à l'état de projet ? F. HAYEK pensait déjà à juste titre que le bon sauvage pourrait être en réalité plus intelligent que certains d'entre nous qui ne font que profiter des avancées d'une civilisation auxquelles ils n'ont pas participé. Ainsi, le brillant homme politique assis devant son écran tient-il dans sa main un mulot croit-il ! Ce smartphone dont je me sers tous les jours...en tant que consommateur d'applications que je n'ai pas créés. Moi notable d'exception mais maçon à l'état vraiment embryonnaire, j'ai la chance d'habiter un palace construit par d'autres.

Mais ignorant être d’avantage un consommateur des évolutions initiées par d'autres, l'homme de talent croit que par son modeste apport il s'élève au dessus de tous...et il voudrait entrer dans l'histoire.

- Mode spirituel : conscience des écueils pernicieux des deux autres modes. Se caractérise par un très grand recul et relativisme qui débouche inexorablement sur la conscience de sa juste et modeste place, s'inscrivant dans un projet global dépassant le champs étroit d'une vie.
Les deux premiers modes caractérisent une forme de folie, entendu au sens d'irréalisme forcené.

[Lobev]

Peut-être mais aussi critiquable fut-il, il reste néanmoins un homme intelligent et cette pensée n'en reste pas néanmoins intéressante. Le mal ne retire rien au génie.

[CLM.]

Sauf que Hayek lui-même fut un ignoble présomptueux profiteur qui a bénéficié de tout ce qu'il n'a pas créé en conspuant les rudes travailleurs qui eux triment et construisent, lui qui ne pensait qu'aux spéculations financières! Spéculations financières, crime édulcoré et magnifié! L'on comprend que Hayek, héroïsé par l'influence de financiers banquiers le faisant roi par le fameux prix, fût devenu père "spirituel" (mot trop noble pour un tel monstre antispirituel, théoricien de la prédation de l'homme par l'homme), plutôt annonciateur sinistre des crapules profiteuses et exterminatrices que furent Thatcher et Reagan!