Par Camille Loty Malebranche
Le moralisme de notre société est comparable à l’émoi indigné qui affecterait une prostituée s’étonnant de n’être plus vierge. Un peu comme ces médias commerciaux, aux publicités carrément injonctives voire psychologiquement coercitives pour des publics cibles, qui s’offusquent de la dépendance de plusieurs à la consommation des objets et services de leur publicité! CLM
Chute du Mur de Berlin: Retour sur un anniversaire
Alors que le renversement du mur de Berlin portait la promesse d’un monde non claustral où enfin, les claustrations idéelles imprimées et mises politiquement en acte à travers les ostracismes économiques, les excommunications idéologiques seraient bannies, l’occident l’a utilisé en sceptre symbolique de sa propre prépondérance faite de proscriptions multiples où, même à l’intérieur de ses sociétés soi disant ouvertes, quiconque ne se prostitue mentalement et intellectuellement à ses impropriétés, est jeté aux crocs de la paupérisation et de la marginalité, puni de n’être ni reptile ni chose des rois de l’économie. La triste mentalité claustrale de l’occident a raté cette belle occurrence symbolique du mur renversé, pour abattre toutes les cloisons rigides, intangibles, immatérielles quoique d’un ordre férocement matérialiste où les oligarchies monopolisent tout au cœur d’une démocratie déficiente, dénaturée et inopérante, pour imposer leur dictature, leur impitoyable ostracisme de ploutocrates.
Il est dans l’idée même de la chute du mur mitoyen de Berlin, mur qui incarnait la raideur des blocs idéologiques, une volonté manifeste, même si la plupart des abatteurs dudit mur n’en avaient pas forcément conscience, de renvoyer aux cloaques de l’histoire, tous les systèmes et modes sociopolitiques oubliant l’homme au point d’en faire leur simple pion fonctionnel, une banale fonction dans les rouages institutionnels. La chute d’un mur littéralement géopolitique tel celui de Berlin, ne peut ne pas nous interpeller sur la volition tacite de créer un monde aux allures de mitsein planétaire dans le partage et la paix. Mais hélas, c’était sans compter avec le triomphalisme béat et violent des puissances capitalistes qui ont profité de la déroute du stalinisme pour imposer la nouvelle dictature de la finance sur fond de violences, de guerres et chaos planifiés. Le monde d’après le mur, n’a pu être un monde nouveau, un monde faisant son histoire contre les claustrations millénaires, sur d’autres bases plus humaines.
Le monde d’après la chute du mur de Berlin aura pris au dépourvu les peuples qui se sont fait voler le sens et la portée illico idéologisée par les prédateurs capitalistes au nom du grand capital sinistrement confondu à l’ouverture et à la démocratie. La vélocité de l’histoire désarçonne les peuples et brise les sangles des idées et des promesses émergeant aux conjonctures rapidement déviées par les tenants agressifs de l’ordre du monde. Le monde qui espérait un renouveau, aura donc été dévié, débouté de ses rêves - entre autres, celui que la fin de la dichotomie géopolitique est-ouest permettrait une amitié internationale véritable - pour céder le pas au règne d’une concorde intérieure et extérieure des peuples et des États. La plus grande déconvenue, le pire camouflet ayant accoutré la chute du mur aura été l’imposition exclusive et morne d’un capitalisme totalitaire avec ses arguties dites libéralisme
Aujourd’hui, le mensonge au prétexte démocratique sévit et détruit la face humaine des sociétés… Nous avons autant de murs que de fractures affectant une planète à mondes multiples décalés par la pauvreté, l’exclusion, le freinage des uns par les autres. Monde compartimenté, qui emmure d’innombrables mondes humains à travers les murs de l’économie et de l’ostracisme. Les murs matériels sont si facilement renversables que la plupart se contentent de dresser leur destruction au bulldozer en symbole pour ne pas s’attaquer aux véritables murs, ceux de l’idéologie qui freine l’existence des majorités.
La disparition du mur de Berlin, signe du renvoi de la raideur des blocs idéologiques aux poubelles de l’histoire pour cause de dysfonctionnement sociétal, renvoi par la même Allemagne réunifiée des exacerbations capitalistes et stalinistes. La disparition du mur de Berlin ne prend sens que si elle est suivie du refus effectif du dogmatisme marxiste de parti comme de tout capitalisme financiariste et impérialiste pour l’érection d’une ère d’harmonisation sociale, dans une société du mérite et sans classes, puisque toute société de classes dresse fatalement des murs. Tous les murs de l’essentialisation de classe, tous les murs des privilèges, tous les murs des discriminations, tous les murs des préjugés en vue de dominer autrui…
La chute du mur de Berlin aura nourri chez les protagonistes de l’hégémonie économique, les capitalistes qui y perçoivent le symbole de victoire de la « démocratie » bourgeoise sur le stalinisme voire le socialisme lui-même, un sentiment triomphaliste de vainqueur idéologique à qui tout est permis. Le capitalisme s’endurcissant via un euphémisme tel le libéralisme a refaçonné l’économie à travers une financiarisation bancaire privatisant tous les biens communs de l’humanité, renfonçant ainsi les pires murs, les plus terribles herses de condition qui figent et cloîtrent des populations entières dans leur situation intenable de misère et d’exclusion sans horizon possible dans le système actuel et sa béance abyssale, son errance dans le non sens.
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE