Accomplissement ou déchéance, deux modes du devenir…

Par Camille Loty Malebranche

Il n’y a pas de voie alternative à l’homme que sa bonification, son entéléchie dans son essence. L’étant humain, dans son étantité, sa particularité comme être spécifique, a pour mission l’accomplissement de sa nature intérieure et profonde qui est esprit. Déjà dans la nature physique, la chose inerte ou l’organisme qui évolue mal, à l’inverse de sa nature, se déchoit dans des désagrégations ou métamorphoses pathologiques destructrices. Quant à l’esprit, dans sa dimension métaphysique, il doit se construire sciemment et consciemment en choisissant les valeurs-matériaux qui permettent sa juste réponse à sa vérité ontologique.

La vérité de l’être en tant qu’essence est à l’échelle de l’étant. L’étant homme est sur terre, le seul être particulier dont le devenir sied à l’assumation consciente de sa nature. Car l’esprit a pour mission vocationnelle de prendre conscience de sa non organicité et aller vers les cieux de son appel et de ses origines. Le développement évolutif minéral ou organique est régi par le programme de la nature physique dont relèvent les créatures matérielles, les corps. Mais l’esprit n’est pas une création de la nature, il est nature insolite qu’aucune science de la matière ne peut objectiver. L’esprit est un soi irréductible, un sujet absolu c'est-à-dire une onto-hypostase, pas simple hypostase, vu qu’il a sa vie propre, quoique vivant dans le corps.

L’étant spirituel qu’est l’humain, en tant que conscience transcendantale, est un moi sujet dont l'égoïté subjectale spécifiquement assignée à sa situation particulière et individuelle, son eccéité, porte le métaphysique destin de l’espèce. Évoluer vers l’accomplissement c’est se bonifier en devenant le soi, en évitant les pièges de la dénaturation que sont les faux repères sociaux et culturels qui dégradent la nature humaine par ses avatars de facticité et les métamorphoses que nous voyons infligés à la nature humaine dans le monde. S’accomplir, c’est résister aux faux qui règne et sévit contre la nature de l’esprit, c’est précisément ce que nous appelons édifier sa personne par delà l’individu en utilisant pour l’accomplissement spirituel, les facultés exceptionnelles dont est pourvue l’espèce dans ses caractéristiques.

Les êtres créés qui peuplent la terre sont tous astreints au devenir temporel qui détermine leur état par l’effet du temps. Seul l’esprit, parce qu’émanation de Dieu - c’est d’ailleurs là le sens du vocable « l’homme est fait à l’image de Dieu » - de l’incréation de son essence, son engendrement mystérieux, porte la vocation d’être fils de Dieu, c’est-à-dire appelé à évoluer dans le divin sous la sainte et idéfectible orientation du Paraclet, par delà la chair et le sang. Destinée mystérieuse comme l’être de l’homme lui-même qui est un immense mystère par plusieurs de ses aspects.

L’immuabilité ontologique n’est pas stagnation de l’être, l’être en tant qu’être évolue soit par plénification soit par déchéance. Quand Hegel dit « être, c’est avoir été », « devenir vaut mieux qu’exister », après d’autres, il évoque sans doute sans s’en rendre compte, la dynamique ontique de l’espèce où chacun en son être particulier doit progresser en ses capacités, travailler ses facultés pour se dépasser pour ne pas démériter en altérant le sens de son humanité, sa vérité d’esprit. Pour qualifier l’exister, nous disons qu’il est duel car il est immanquablement à la fois être et devenir.

Exister vraiment - sans être un néant qui singe et dévie la vie à l'instar des multitudes d'ombres anthropomorophes errant en ce bas monde - c’est être et devenir pleinement soi dans l'ipséité de la nature humaine. Exister n'est donc pas stagner, car c'est essentiellement un voyage dans l'assumation de la nature humaine où plusieurs, malheureusement se perdent. Stagner sans apprendre à devenir selon la vocation de l'essence humaine, c'est déchoir, se dégrader voire « involuer ». La stagnation de l'esprit dans les sphères inférieures par reddition au charnel psychologique, est déchéance. À chaque homme d'évoluer pour propulser sa vérité de sujet (subjectalité) comme esprit conscient. Il s'agit d'assumer par la foi le devenir du soi individuel, dans la temporalité de cette existence impermanente, selon la magnificence de la destinée de l'esprit à l'éternité.

CAMILLE LOTY MALEBRANCHE

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