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Par Camille Loty Malebranche
Toutes les fois qu’un homme, qu’une classe ou qu’une société ajuste son jugement d’autrui, avec discrimination, aux contingences socio-économiques, ethniques voire somatiques, nous sommes en présence de ce monstre caractériel que nous appelons le bourreau-flatteur. Car l’individu ou le groupe qui flagorne ceux qu’il considère comme forts, ne peut ne pas avoir le besoin d’insulter voire d’écraser ceux qui lui semblent faibles; compensation funeste qui se répète et se standardise dans notre société de barbares maniérés que l’on dit civilisés.
L’ajustement du jugement à des globalités qui prédéfiniraient chaque individu ou groupe humain, est au départ vicieux et lacunaire, puisque par delà l’institution sociale, de ses raccords culturels et de ses joints idéologiques, chaque conscience humaine demeure particulière et doit être jugée sur ses choix manifestés par la pensée et l’action qu’elle exprime. Pour évoquer le jugement, s’il est vrai que la culture façonne les humains, et que toutes les cultures sont plus ou moins déshumanisantes par endroits, vu que des poches de nombreuses barbaries sévissent en toute société humaine comme des sortes de stigmates de la pesante imperfection de l’être humain en évolution, c’est donc à la correction réciproque et l’amélioration mutuelle, fraternelle que tous devraient procéder envers tous.
Dans un monde où la puissance et la gloire se mesurent par le pouvoir de mort, où tuer et faire souffrir est le gage suprême de respect, les flatteurs s’ajustent aux bourreaux pour faire fonctionner le système immonde de la violence et du pouvoir qu’il octroie hélas en cette espèce si souvent dégénérée, déchue. Le bourreau, dans sa tare de prétendu puissant, est un déshumanisé, un dénaturé pitoyablement prisonnier de la misère ontologique qui ravage son mental sans conscience de sa vérité d’esprit en route, dévié qu’il est de la nature métaphysique du soi spirituel. L’homme est incarnation et son seul salut tient de sa réponse consciente à cette déité immanente de l’imago Dei qu’il est.
Celui qui a la lumière a pour mission de la proposer tout en la diffusant, c’est là sa mission civilisatrice. Toute autre tentative pour régner, humilier, coloniser, dénature ladite mission et fait du civilisateur un rejet du désaveu. Réduire autrui à la culture ou aux infériorités et horreurs de sa société de provenance, est plat vu que nul humain n’est parfait. C’est comme tenter de cacher les tares nécessairement présentes dans son propre référent culturel et social d’origine. C’est littéralement vouloir tirer avantage par la force et les contingences favorables plutôt que de contribuer à sa propre évolution positive pour s’améliorer en améliorant autrui en aidant à ériger l’humanité commune. Le barbare d’ailleurs et de chez nous qui refuse la lumière, à moins de provoquer préjudice aux autres, auquel cas il doit être empêché, devra assumer seul sa déchéance de lucifuge.
Le bourreau-flatteur est, hélas, l’un des emblèmes courants d’un monde où la perversion des clivages sociaux, ethniques, économiques, interétatiques ne cesse de creuser des abîmes de haine, des frustrations, des fractures et failles de toutes sortes, comme si, éhontés et méchants, les individus et les groupes de l’espèce dite humaine, esclaves d’un orgueil sot et autodestructeur, se retrouvent fatalement incapables de reconnaître leurs pathologies et leur plaies pour les soigner, préfèrent grossièrement camoufler leur laideur derrière l’arrogance exterminatrice de l’autrui défavorisé par des contingences existentielles que le plus fort occasionnel prend allègrement pour tampon et essuie-pied.
Le bourreau-flatteur est l’ennemi pathologique du respect et de l’amabilité au sein d’une humanité où pourtant le soutien et l’estime par l’autre sont une part importante voire fondamentale de l’équilibre existentiel et de l’estime de soi de chacun.
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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