Par Camille Loty Malebranche
L’ignorance est, on le sait, l’état naturel de l’homme. Ainsi, tout humain a pour mission dévolue ici-bas de faire reculer l’ignorance selon le petit empan d’apprentissage qu’il a à sa portée. Désapprendre préjugés et réflexes animaux pour transcender l’animal humain par la faculté d’intelligence de l’esprit, est la bonne foi naturelle de l’homme équilibré. Car si l’homme est « le seul animal qui sait qu’il sait » comme le dit Teilhard de Chardin, il est à fortiori, la seule conscience qui sait qu’elle ne sait pas, qui connaît son ignorance et qui, lorsqu’elle est normale assumée selon sa nature de non sachant, cherche à savoir tout en respectant les bonnes balises. La sottise, elle, est de l’insanité agressive et prétentieuse, qui, non seulement refuse d’apprendre, mais aussi brandit ses conneries immondes en les imposant avec autorité comme pour en faire un empire, un ordre, au nom de sceaux institutionnels et de parchemins scolaires ou de structures officielles qui cooptent ça et là des histrions pour jouer au nom du système établi, leur sinistre ouverture cosmopolitique, leur soi disant universalité.
Les différentes sortes de sots...
À bien observer, il est trois catégories de sots qui déferlent sur l’échiquier de cette planète et parmi l’espèce si souvent objectale (il suffit pour s’en convaincre de voir leur jugement réflexe et leur manière de créer systématiquement de la souffrance pour autrui) malgré le prédicat « humaine » qu’on adjoint généralement au substantif « espèce » pour la désigner. Trois catégories de sots qui galvaudent jusqu’au sens de l’entendement dont ils piétinent l’essence et dénaturent la substance.
Pour citer nos trois sortes de lucifuges du savoir, disons que le sot est soit ordinaire, soit systémique, soit scolarisé, trois lucifuges que nous allons donc regarder de près dans la suite de ce billet.
Le sot ordinaire, le sot systémique, le sot scolarisé...
Le sot ordinaire est le sot bon enfant et heureux, superstitieusement attaché à ses inepties. Comme un primitif en pleine modernité, resté volontairement ignorant malgré les percées de la météorologie, qui continuerait de croire que la pluie est de la pisse de génies célestes, le sot ordinaire croit, par exemple, qu’il vit en démocratie, que les chômeurs sont des fainéants, que travailler en n’importe quelle circonstance est une qualité, que lorsqu’un immigrant du sud va au nord, il est un privilégié puisque le nord vit de ses propres moyens sans rien voler à personne surtout pas aux pauvres du sud qui n’ont rien… Le sot ordinaire, c’est aussi le bonhomme qui croit que le pouvoir des banquiers, des crapules de la politique et leur accumulation privée compulsive de l’argent des peuples, est une vertu, car à ses yeux, tout vient de haut, de la fatalité naturelle voire d’une essence divine inscrite dans le système social qu’il voit sacré. Ce type de sots est l’étalon même de la débilité fanatisée et intumescente; c’est l’ignare d’un simplisme si cinglant qu’on peut s’en moquer en conspuant ses injures et préjugés qui renvoient à sa propre misère intime d’infrahumain.
Le sot systémique, quant à lui, s’emblématise sur le visage de l’abruti arrogant de bureau qui refuse de penser et agit comme une machine n’exerçant même pas le pouvoir discrétionnaire que le système quoique infect tel qu’il est, lui reconnaît. C’est le sot dictateur qui se plaît à user bêtement et tyranniquement du pouvoir qu’il a de décider. Sa balourdise en fait un rouage sans esprit ni conscience, juste un rouage, une pièce de la mécanique sociétale institutionnelle. Un vrai déchet de la méchanceté et de la mesquinerie, qui laisserait mourir un homme parce que son cas ne correspond pas exactement aux cas prescrits dans le règlement institutionnel, plutôt que de prendre une décision généreuse personnalisée ne dérangeant du reste rien ni personne.
Le sot scolarisé est le sot pangloss, bêtement intumescent dans la récitation idiote de ses lectures voire de ce qu’il entend dire ses maîtres. C’est le bruyant écho livresque qui connaît toutes les références mais ne pose jamais par lui-même de questions authentiques non prédéfinies sur les idées, choses et situations sur lesquelles il a lu le compte rendu du regard porté par les auteurs qu’il cite. Complexé d’infériorité, surtout d’infériorité intellectuelle, minable jusqu’à la reptation, il ne se sent pas assez humain pour oser penser. Sa vie est une suite de morbides récitations pédantesques et blêmes des auteurs classiques ou de mode qu’il gargarise de son mufle plein de perlèche; rempli qu’il est de rouerie dans ses conneries. Il hait tout penseur qui pense en propre, tout interrogateur non aligné, et il adore s’ériger juge du savoir d’autrui. Il se retrousse le nez sur les compétences de quiconque n’est pas dans ses codes scolaires, et il fait des galéjades idiotes, lorsqu’il présage que l’autre n’est pas de sa famille de perroquets hautains, de ventriloques savants des boîtes à programmes de sa scolarisation. Telle une palilalie, son soi disant savoir ponctué de parchemins scolaires n’est qu’un psittacisme facticement élaboré pour impressionner la foule plus ou moins scolarisée et épater le vulgum pecus. C’est le sot extrême, par sa mort à l’intelligence, son meurtre de l’imagination et sa destruction de la spontanéité réflexive devant l’atypique qu’il n’a pas étudié par chœur.
Avec toutes les immenses facultés dont Dieu a pourvu le genre humain et vu les prétentions humaines légitimes à la dignité, il est temps d’en finir par une révolution de l’école et des modalités de transmission du savoir, avec le règne infâme, dégradant, despotique de la sottise en nos sociétés qui, d’ailleurs, se définissent comme précisément sociétés du savoir. Car le savoir vrai commence lorsque l’homme doté de lectures et études, prend conscience de sa capacité de spontanéité analytique et réflexive pour les développer et les appliquer par delà les colossaux curricula des programmes scolaires, au-delà de la masse d’encre livresque et de leur répétition servile par la canaille inculte, méprisable, sottement scolarisée et surdiplômée qui déshumanise l’entendement, dénature l’intelligence en croyant conspuer dans son arrogance malotrue, les mérites intellectuels.
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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