Par Camille Loty Malebranche
« À celui qui vaincra », écrit anaphoriquement l’apocalypse! En effet, l’homme doit entrer dans la victoire divine véhiculée par le Christ. Mais comment?
Force est de remarquer que la prononciation de cette parole « J’ai vaincu le monde » de Jésus à Gethsémani dans l’angoisse messianique où le Fils damné pour nos fautes, suant comme des grumeaux de sang à la veille de sa mort pour la nouvelle humanité à naître de son œuvre rédemptrice, renvoie précisément à la victoire sur la grande emprise des représentations indignes antispirituelles, victoire sur la vie de la foule égarée qui constitue la grande majorité de l’humanité. Foule rébarbative, masse retournée contre elle-même dans son refus d’assumer la vérité spirituelle de l’homme. Et parmi cette foule, la clique manipulatrice des multitudes, que sont la plupart des chefs religieux et politiques du monde; clique jongleuse des pulsions collectives, clique impassible prédatrice qui fomente tous les vices sociaux par une politique orchestrant la prostitution mentale du grand nombre aux injustices et infamies de toutes sortes pour avoir la subsistance. Car c’est bien elle, cette élite qui, à travers son pathologique sybaritisme et sa viscérale tyrannie, systématise et impose les pires déshumanisations via les structures du pouvoir.
Le monde que le Christ a vaincu est celui qu’incarne la déviance métaphysique des multitudes par l’ordre économique et sociopolitique vecteur de toutes les salissures mentales et sociales, un peu à l’instar des babyloniens prosternés devant la statue imposée à l’adoration du peuple sous le commandement de Nabuchodonosor qui en avait commandé la construction. Preuve flagrante et indubitable que les ordres du monde ne sont jamais ni naturels ni divins ni fatals mais constructions humaines des puissants, construction souvent dictée par la crapulerie car vouée au profit crasse de quelques maîtres du pouvoir sur la ruine des gouvernés. L’épisode comportemental du roi babylonien producteur d'idole, n’est pas sans rappeler la connivence du séculier et du religieux toujours dans la production des faux sacrés institués, des cultes malsains, idolâtres prédominant dans les systèmes sociopolitiques. On est devant l’idolâtrie compulsive des représentants du pouvoir qui essentialisent leur statut et seraient eux-mêmes près à déifier la fange si cela pouvait renforcer ou maintenir leur privilège et pouvoir. C’est aussi la mise en exergue de la manière suiviste de horde de l’animal humain ordinaire, platement réflexe dans sa marche sociale où, stupidement, ignoblement, il suit la foule servile de l’ordre systémique, se laissant entraîner à vau l’eau par le courant, de peur d’être rejeté s’il refuse ce qu’il perçoit et pressent pourtant comme insensé voire inacceptable…
Mais un couard imbécile qui marche au pas pour ne pas perdre les rangs, lors même où il sait que les rangs courent à leur perte, n’est-il pas déjà rejet infrahumain, par déni de son humanité, par mort consentante à son essence!? Que peut-il rester d’intégration à un veule idolâtre de la bêtise collective? En vérité, celui qui, par peur de rejet, tolère le mal systémique, s’il n’est pas relégué debout à la marge des hommes dignes, est tout simplement à plat ventre à la marge de toute dignité humaine, c’est une chose, un moins que rien qui se ment à lui-même. Et, ici, que ce soit sur le plan métaphysique, religieux, économique, politique ou social, l’abandon de la vérité sue pour quelques miettes de privilège est l’ultime déchéance de l’animal au prédicat espéciel (humain) qui devrait lui être boussole.
Les ectoplasmes malsains de la prostitution et de la servitude mentales, hélas, engluent la vaste cohue agressive et sagouine qui, par automation, se tient prête à toutes les basses œuvres serviles pour laisser leurs dispensateurs d’imaginaire et de pulsions conditionnées, assouvir leur ordre idolâtre. Il ne s'agit pas de refuser tout contact ni toute implication structurelle institutionnelle dans l'État et la société mais de tout faire pour ne pas servir le mal, c'est-à-dire tout penser et agir qui, en ses conséquences, provoque du mal objectif à l'individu ou à l'humanité.
Heureux, malgré tout, même dans la Babylone méphitique, se tient la minorité propre qui incarne l’humanité vocationnelle dans les splendeurs de sa déité imageante de leur être créé à la ressemblance de Dieu. Et pour revenir au Christ, disons que contre la Babylone idolâtre, la victoire de Jésus sur le péché et ses conséquences lugubres, a été, en quelque sorte, préfigurée par celle des Sadrac, Mischac et Abed-Nego, ces trois figures mythiques de la contestation spirituelle de l’idolâtrie faite ordre du monde. Ils sont trois, ce chiffre mystique du parfait, pour que, malgré leur extrême minorité, leur présence rappelle la perfection de l’élan humain des minoritaires métaphysiques qui servent le seul vrai Dieu et proclame la dignité de la nature humaine qui en vient. Je contemple ces trois Esprits debout parmi la populace charnelle, prosternée face contre terre dans ce spectacle où la verticalité de posture des trois rebelles, exprime la différence sublime de l’Homme au milieu des jouets organiques de chair et de sang qui peuplent les cohues.
La station verticale minoritaire des spirituels défie les prétentions d’universalité sans résistance de l’ordre des élites criminelles et de leur théogonie déshumanisante qu’adorent les multitudes idolâtres. Le refus debout de l’ordre de toutes les horreurs, déstabilise la placidité dudit ordre auquel le saint désordre minoritaire des justes imprime la plus narcissique des déroutes comme autant de balafres de ses limites de pouvoir, autant de blessures à son orgueil vaincu, maculé de la mauvaise conscience de sa damnation.
La victoire christique de l’homme sur le monde, cette Babylone dénaturante, commence dès que l’homme conscient de la vérité, choisit l’ennaturation, et dit non aux faussetés en conspuant les reptations convenues.
Victoire sur le monde, tant au niveau métaphysique où l’homme rejette toute proximité avec les faux dieux et la religion institutionnelle réifiante, qu’au schème sociopolitique où le rebelle spirituel et social récuse les sollicitations du mode de penser et d’agir des quelques voyous dominants du système économique, ces tentateurs maudits, manipulateurs anthropocides de l’humanité. La victoire est déjà acquise. Car on sait que les trois contestataires jetés au feu (ce symbole de l’enfer qu’est Babylone et le monde qu’elle représente) sortiront vivants et sans brûlure du four de la torture de Nabuchodonosor.
La victoire du Christ et de la rédemption sur les servitudes brutales ou soudoyées de ce monde corrupteur est part de la vie de l’homme spirituel libéré de l’esclavage de la mort spirituelle et des vilenies de la déshumanité de l’immense ordre du monde. Et c’est pourquoi la minorité des élus, conscients de leur humanité, dit non au monde avec toute la hauteur et le mépris autant des idoles que des rois et de leur royaume peuplé de sujets idolâtres. C’est pourquoi, la voix minoritaire des vainqueurs spirituels, appelle ceux qui sont encore des hommes à se révolter, à refuser toute collaboration avec l’infamie pour expédier ce monde et son ordre à la poubelle de l’inadmissible. La Victoire de l’homme qui croit - Victoire certaine et absolue que lui confère le Christ qui a vaincu le monde et la mort par sa propre mort faisant mourir la mort et par sa Résurrection vivifiant le croyant pour l’éternité -, c’est de vivre sa foi en Dieu et de la garder en la faisant grandir toute sa vie envers et contre les illusions du sensible ou de l'imaginaire et les iniquités du monde.
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
Copyright © CAMILLE LOTY MALEBRANCHE - Blog INTELLECTION - 2016