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Par Camille Loty Malebranche

 

À l’heure où comme une injonction de la nouvelle mode moralisatrice de l’histoire propre à la crise contemporaine de civilisation qui affecte l’occident, il est devenu loi que partout l’on invoque idéologiquement le passé selon les actuels besoins de la morale sélective de propagande, il m’est venu l’idée, face à ce flot d’ovations des uns désignés quasi saints et de fustigation des autres dénoncés comme mauvais tritons, de me pencher succinctement sur le profil des fustigés généralement dictateurs despotiques qu’on nous présente, pour préciser cette nuance fondamentale, à savoir qu’il existe deux types de totalitaristes à l’échelle des despotes: les étatistes et les nihilistes. Il est un troisième totalitarisme qui est politico-économique et qui concerne la géopolitque et la finance.

 

Staline, prototype du despote étatiste…

 

Le despote étatiste est le totalitariste qui oublie l’homme et se focalise sur l’État à rendre le plus puissant possible quel qu’en soit le coût humain. L’étatiste est effroyable car il sacrifie quiconque se dresse sur sa route où il entend fonder le système étatique puissant qu’il conçoit.

 

Par delà les discours hyperémotifs sur Staline, disons que ce fut un monstre, un criminel contre lhumanité qui a sacrifié beaucoup de ses gouvernés mais a conçu et construit dans le même temps une nouvelle puissance mondiale, un ordre du monde nouveau que son action a dichotomisé au grand dam des empires occidentaux capitalistes. Industrialisant le pays en quelques années tout en fondant la Russie moderne dans le contexte soviétique, un contexte qui a vu Staline édifier la grande Union Soviétique que malheureusement ses successeurs ont mal orienté, mal géré. Une puissance qui, même effondrée a gardé tout le canevas militaire et industriel pour renaître autrement avec Poutine. Séparer le monde en deux blocs, faire de la Russie une puissance alternative face à l’empire étasunien, voilà, la raison inavouée des acrimonies antistaliniennes occidentales, quand on sait que l’occident a favorisé les pires déchets de la tyrannie partout, notamment en Amérique latine. La force russe qui, même aujourd’hui, permet à la Russie de se dresser tête de pôle essentiel face aux Usa dans la géopolitique mondiale, est la crise urticaire permanente d’un occident qui se veut seul maître de l’écoumène. Sans la forte militarisation et industrialisation stalinienne, il n'y aurait jamais eu ni Union soviétique, ni Russie moderne tellement militairement solide que Poutine réhabilite en force mondiale redoutable dans le contexte actuel. Cette puissante Russie, seule à même de faire le poids face aux Usa, vient de Staline que j’appelle le grand étatiste sans perdre de vue qu’il fut un monstre criminel comme l’histoire en général et de l’occident colonial en particulier, en compte tellement. Il faut donc éviter de laver inconsidérément et sans nuance cet englobant qu'est l'histoire…

 

Nous devons apprendre à visionner l’histoire froidement dans toutes ses nuances avec ses horreurs et ses conséquences qui peuvent être pour certains, des acquis. Et, si en dehors du stalinisme nous regardons l’histoire des ex empires coloniaux - la France et l’Angleterre ex colonialistes, par exemple - nous sommes forcés de constater que c'est l'argent des colonies et la prédation massive de l'époque coloniale sur fond de génocides de traites d’humains, d’esclavagisme et de sauvageries inqualifiables, qui font que la France ou l'Angleterre constituent aujourd’hui des puissances mondiales. Et, en passant, si nous considérons Hitler, le pire de tous les massacreurs compulsifs de l'histoire, nul ne peut dire qu'il a totalement échoué à faire de l'Allemagne la première puissance d'Europe, fut-ce par une sorte d’ironie des choses, de ricochet historique, de victoire à rebours! Je parle de la sorte en analysant la place infligée, assignée à l'Allemagne par le traité de Versailles, lequel sans un Hitler pour le briser, aurait réduit pérennement la terre de Goethe et de Hegel en pays de seconde zone. Hitler, malheureusement sanguinaire sans mesure, irascible et génocidaire, aura quand même créé une ambiance quoique macabrement apocalyptique, qui a finalement réimposé l’Allemagne, laquelle, même broyée à la défaite de 1945, est devenue malgré failles et erreurs le phare de l’Europe, qu’elle demeure aujourd’hui encore!

 

Quant à Staline, il est, en dépit de ses purges absolument dédaignables, le terrifiant archétype de l’étatisme russe. Exterminateur tyrannique, soit, mais aussi parangon politique incontournable de l’étatiste qui réoriente l’histoire pour le pire des uns et le meilleur des autres, ayant marqué son pays par l’établissement d’un nouveau mode identitaire étatico-national qui rend celui-ci aujourd’hui encore - n’en déplaise aux russes qui voudraient nier cette part de leur histoire récente - imposant à l’intérieur et intraitable dans l’interétatique. Je le redis, sans Staline, il n’y aurait pas de Russie superpuissance militaire et force économique assez consistante pour avoir les moyens de sa politique. Je suis d’accord pour conspuer tous les totalitaristes sans créer d’hagiographies idéologiques et sans amalgamer l’histoire.

 

Duvalier, incarnation patibulaire du despote nihiliste.

 

Le despote nihiliste de l’histoire est le dictateur dont le totalitarisme vise, au contraire du stalinisme, à détruire l’État pour des vues courtes strictement partisanes et personnelles.

 

Duvalier est la tronche immonde du totalitarisme nihiliste. L’État de délabrement de l’Haïti post-duvaliériste en est, malgré les péroraisons de certains ex macoutes écrivains, la plus éloquente preuve. Rendant l’État caduc pour établir son pouvoir, pour en faire un instrument de sa domination comme une grosse trique contre tous, Duvalier aura subverti toutes les institutions existantes, tout en créant une pléthore de nouvelles pseudo-institutions totalement fantômes vouées à vampiriser le budget de l’État pour servir son clan, enrichir sa nouvelle « élite » de macoutes, clique de voyous où l’on retrouvait au bas de l’échelle des miliciens ignares, pauvres et criminels de droit commun, et en haut, les organisateurs du régime grassement payés de chèques illégaux mais encaissés effectivement par les dignitaires du régime. Duvalier, le sinistre papa doc de son ignoble sobriquet paternaliste, fut le monstre rétrograde par définition, le fossoyeur politicard qui a enlevé à la politique son essence de dispensatrice de sens, faisant de toutes les institutions des formes de vampires de l’État au profit de son gang politique. Piller le pays, massacrer tout opposant, placer son successeur qui fut nul autre que son fils qui lui, s’entourera d’une horde de ministres arrogamment pillards, obsédés de s’enrichir pour devenir « bourgeois »! On ne construit pas un État avec seulement la haine et l’aigreur que l’on jugule sans cesse dans la violence sanglante sans vouloir rien faire pour la nation. François Duvalier, homme de grand pouvoir, tel qu’il n’en fut sans doute jamais dans l’histoire haïtienne, n’ayant pas su transcender sa haine de certains secteurs malsains d’une société haïtienne - faut-il le redire, viscéralement discriminatoire et inhumaine - a passé son temps à régler des comptes, expédiant les problèmes sociaux en fondant des poches de nouveaux riches mais négligeant de refonder autrement l’État haïtien sur des bases plus saines ou au moins, plus viables… De l’État, Duvalier aura gardé et renforcé uniquement l’aspect répressif diaboliquement moloch contre le peuple livré aux mains de factices élites abominables d’un pays resté passablement esclavagiste après l’indépendance par les clivages les plus inhumains et le traitement infâme infligé aux grandes majorités c'est-à-dire à presque tout le peuple.

 

La politique ne souffrant point d’être vidée de sens, le duvaliérisme aura de fait imprimé à Haïti, un univers d’absurde visible à travers cette plongée dans le gouffre abyssal, un abîme sans cesse foncé où le pays caribéen semble en perpétuel naufrage, où les masses, le peuple sont entraînés dans l’insignifiance d’un vivre ensemble désignifié par des misères de toutes sortes, le cours d’un tragique existentiel collectif qui paraît interminable...

 

Totalitarisme moderne, despotisme géopolitique et financier.

 

Inutile de nous étaler pour expliquer ce totalitarisme pernicieux, inavoué de notre temps de mascarade démocratique sans peuple où sévissent les exactions de la finance des banquiers privés, le diktat des intérêts des grandes multinationales selon la tyrannie des ploutocrates. Ploutocratie et démocratie étant antithétiques, il va de soi que le nouveau totalitarisme économique, est celui de la grande oligarchie mondiale qui détermine, en politique internationale, les excès géopolitiques des puissances occidentales, lesquelles, dans le sillage du colonialisme ancien, pratiquent désormais un bellicisme égrugeant les États du sud quand ce n'est pas le chaos politique que l'occident substitue à l'intervention militaire. Un totalitarisme qui se donne des fois des allures légalistes par l'appui forcé de l'Onu inféodée, instrumentalisée par l'impérialisme sans limite d'un quarteron d'États occidentaux néocolonialistes.  

 

En guise d’épilogue.

 

Sur le plan axiologique, disons que l'histoire est hélas le lieu des monstruosités les plus inhumaines, des violences inqualifiables qui font les forts par la contingence et l’action exploitant ces contingences. L’histoire est le champ de la dialectique insidieuse des prédateurs et de leurs proies. Prédation démasquant la sauvagerie des civilisations où l’homme se révèle un chasseur au sein de sa propre espèce. Et, l’histoire est en redondance celle de certains pays et empires qui, selon les contingences de leur envergure territoriale, leur dimension militaire, leur idéologie agressante, conquièrent ou détruisent sans pitié les plus faibles. De ce point de vue, l'histoire des nations est un cloaque, une érèbe, une vraie géhenne des hideurs humaines.

 

La question: Arriverons-nous un jour à nous humaniser pour orienter autrement l'histoire pour la rendre enfin digne du prédicat "humaine"!? Sommes-nous prêts pour une histoire digne de l’orgueil humain sinon de pureté à tout le moins de dignité et de grandeur morale sans prédations visibles ou dissimulées? Une histoire où l’homme comprendra que les peuples sont frères, où l’État n’aura plus sa raison d’être avec ses tentations d’empire venant de despotes étatistes ou nihilistes ou de faux démocrates bellicistes et impérialistes? Pour l’heure, nous avons au moins dépassé le temps des grosses dictatures immédiates et sans verni telle celle de l’immonde Duvalier, sale et négatif à tous égards. Il nous reste néanmoins à vaincre tous les totalitarismes : le totalitarisme géopolitique comme celui des occidentaux envahissant et détruisant des pays du Moyen-Orient; mais aussi, le totalitarisme institutionnel tel celui des banques et des oligarchies ploutocratiques qui assujettissent tous par leur mainmise sur l’économie planétaire.

 

Aux hommes et aux nations de dépasser les gouffres intérieurs de leurs haines, leurs égoïsmes, leurs orgueils insensés pour acquérir un nouveau faciès d’agents historiques dignes des idéals de bien et de justice qu’ils se donnent dans les chartes et les préceptes. Humanisons-nous et l’image si souvent macabre du miroir de l’histoire, enfin nous renverra la splendeur toute neuve, toute renouvelée de nos visages purifiés d’humains un tant soit peu en congruence avec notre essence.

 

CAMILLE LOTY MALEBRANCHE

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